Matricule
« 45942 » à Auschwitz
Honoré Oursel est né le 7 février
1888 à Criqueboeuf-sur-Seine (Eure). Il habite avec son épouse impasse Desrues
à Villeneuve-le-Roi (Seine-et-Oise / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
Il
est le fils d’Eugénie, Charlotte Hattingois, 22 ans, journalière, reconnu par
François, Honoré Oursel (né le 20 mai 1863) lors de son mariage avec Eugénie
Hattingois le 7 octobre 1889.
Appelé
de la classe 1908, il est incorporé en octobre 1909. Honoré Oursel est libéré en
septembre 1911.
Il
épouse Adrienne, Alphonsine Finon le 23 décembre 1912 à
Villeneuve-Saint-Georges.
Réserviste
de la classe 1908, il est rappelé le 2ème jour de la mobilisation
générale d’août 1914. Il est fait prisonnier et est envoyé en captivité dans un
camp allemand jusqu’en 1919. Après sa libération, « il participe aux soins donnés à des soldats
atteints du typhus ».
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La HPLM |
Après
sa démobilisation Honoré Oursel sera capitaine de remorqueur, employé par la grosse
Compagnie fluviale HPLM, que les mariniers surnommaient “Hachez-Pillez-Les-Malheureux” !
Membre
du Parti communiste, Honoré Oursel un « communiste
acharné », selon un rapport des Renseignements généraux.
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Destruction des ponts de Villeneuve-Le-Roi |
Après
la destruction en juin 1940 de presque tous les ponts sur la Seine entre
Corbeil-Essonnes et Bray-sur-Seine pour retarder l’avancée de l’armée allemande,
la navigation fluviale est stoppée. Le pont suspendu et le nouveau pont de Villeneuve-Le-Roi
construit en 1939 sont détruits par l’armée française (le 14 juin 1940 pour ce
dernier). Honoré Oursel va alors travailler comme passeur pour faire traverser
la Seine entre Villeneuve-le-Roi et Villeneuve-Saint-Georges (les bateaux-navettes
fonctionneront jusqu’à la construction d’une passerelle piétons à partir des
piles du pont suspendu, cf. photo montage).
Les
tracts du Parti communiste, imprimés à l’écluse de Vigneux par la famille
Jeunon, sont diffusés par les militants de toutes les communes voisines. Le
commissaire de police d’Athis-Mons dont dépend Villeneuve-le Roi fait opérer la
surveillance des anciens militants
communistes. Pour Honoré Oursel les rapports de police d’octobre 1940 mentionnent
qu’il use « de sa fonction de
passeur pour faire passer des mots d’ordre parmi les ouvriers empruntant
son bateau ». Au début d’août 1940, il aurait « gravé une faucille et un marteau sur la
proue » de celui-ci, et fin août il participe à « la deuxième réunion communiste »
dans les « fouilles Morillon »
(les sablières de la société Morillon et Corvol), derrière l’école Paul Bert.
Le
6 octobre 1940, le commissaire de police d’Athis établit la « notice individuelle à établir au moment de
l’arrestation » coincernant Honoré Oursel, qu’il transmet à la
Préfecture de Seine-et-Oise. Le Préfet Marc Chevalier, qui vient d’être nommé
par Vichy, ordonne l’arrestation d’Honoré Oursel (arrêté du 12 octobre).
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Le camp d’Aincourt, blog de Roger Colombier |
Il
est arrêté à son domicile, impasse Desrues, le 13 octobre 1940 en même temps qu’Eugène Nicot, conseiller
municipal communiste déchu de son mandat en décembre 1939. Ils sont tous deux
internés administrativement (1) au «Camp de Séjour Surveillé»
d’Aincourt (Seine-et-Oise / Val-d’Oise) le même jour. Lire dans le blog : Le camp d’Aincourt.
Son
épouse Adrienne écrit dès le 22 décembre au Préfet pour réclamer sa libération.
Honoré
Oursel est puni de deux jours de cellule le 14 janvier pour avoir tenté de
faire passer clandestinement par l’intermédiaire d’un proche une lettre à ses
cousins, dans laquelle il dénigre les Gardes mobiles. Ce même jour le
commissaire Andrey, directeur du camp, émet un avis négatif sur le formulaire
de « révision trimestrielle » de son dossier relatif à une éventuelle
libération à cause de son « mauvais
esprit », mentionnant qu’il est « un des éléments les plus dangereux » du camp.
Les
« internés administratifs » à Aincourt en 1940 et début 1941 n’ont en
effet pas été condamnés : une révision trimestrielle de leurs dossiers est
censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont « amendés »…
Andrey, dont l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables.
Le
4 mai 1941, Honoré Oursel, Eugène
Nicot, Maurice Lorriguet et Gaston Van Weddingen (3) tous les quatre de
Villeneuve-le-Roi, effectuent une démarche auprès d’Aimé Dron, président de la
délégation spéciale de Villeneuve-le-Roi, afin d’obtenir des bons de vêtements
tant les leurs sont usés. La réponse sera négative après avis demandé au Préfet.
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Le Frontstalag 122 |
Le 27 juin 1941, Honoré
Oursel est transféré au camp allemand de Compiègne, le
Frontstalag 122 avec quatre-vingt-sept
internés administratifs d’Aincourt, dont Eugène Nicot, à la demande des
autorités allemandes.
Ils ont tous été désignés par le directeur du camp avec
l'aval du préfet de Seine-et-Oise. Ce transfert intervient peu après la grande
rafle concernant les milieux syndicaux et communistes.
En effet, à partir du 22
juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, les
Allemands arrêtent plus de mille communistes avec l’aide de la police française
(nom de code de l’opération : «Aktion
Theoderich»). D’abord amenés à l’Hôtel Matignon (un lieu
d’incarcération contrôlé par le régime de Vichy) ils sont envoyés au Fort de
Romainville, où ils sont remis aux autorités allemandes. Ils passent la nuit
dans des casemates du fort transformées en cachots. Et à partir du 27 juin ils
sont transférés vers Compiègne, via la gare du Bourget dans des wagons gardés
par des hommes en armes.
Honoré
Oursel est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages composé, pour
l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et
syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au
moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de
représailles allemandes destinées à combattre, en France, les Judéo-bolcheviks responsables, aux yeux
de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin
contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire
dans le blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz :
6, 7, 8 juillet 1942
Sa
photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des
membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver
de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation
d’Auschwitz.
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Dessin de Franz Reisz, 1946 |
Honoré
Oursel meurt à Auschwitz le 17 août 1942 d’après le certificat de décès établi
au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 894) et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat
d’Auschwitz-Birkenau)
où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication
« Katolisch » (catholique).
Il
convient de souligner que vingt-six autres «45000»
ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz ce même jour. C’est le
début d’une grande épidémie de typhus au camp principal, qui entraîne la
désinfection des blocks, s’accompagnant d’importantes « sélections » des « inaptes au
travail » avec comme conséquence la mort dans les chambres à gaz. La
veille, vingt-six autres « 45000 » ont ainsi été assassinés. Lire 80 % des 45000 meurent dans les 6 premiers
mois, pages 126 à 129 in
Triangles rouges à Auschwitz. Maurice Rideau quant à lui,
témoigne qu’il est sélectionné pour la chambre à gaz.
Un
arrêté ministériel du 18 septembre 1995, paru au Journal Officiel du 21
décembre 1995, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès.
Mais cet acte porte plusieurs dates erronées. D’abord celle de son année de naissance
(1928 au lieu de 1888 - inversion manifeste avec un autre Oursel, Paul, déporté
à Mauthausen le 6 avril 1944) et celle de son décès qui indique « décédé le 29 août 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Dans
les années d'après-guerre, l’état civil
français a fixé des dates de décès fictives à partir des témoignages de
rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte, par un
nouvel arrêté, les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques
en 1945, et qui sont accessibles depuis 1995 et
consultables sur le site
internet du © Mémorial
et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau Voir l’article : Les dates de décès
des "45000" à Auschwitz.
Honoré
Oursel a été déclaré « Mort pour la
France » et homologué comme « Déporté
politique ». La carte a été délivrée à son épouse Adrienne, impasse
Desrues à Villeneuve-le-Roi.
Après
la Libération, le conseil municipal a donné son nom à une rue de
Villeneuve-le-Roi. Sur la plaque de rue on lit « Rue Honoré Oursel. 1888-1943.
Résistant, mort en déportation ». Cette rue donne sur l’avenue du
Front de Seine et la Seine, comme celle de son domicile, non loin du nouveau Pont
de Villeneuve-le-Roi.
- Note 1 : Compagnie
Fluviale HPLM. La Compagnie Générale de Navigation, du Havre à Paris, Lyon et
la Méditerranée. Compagnie de transport fluvial, issue de la fusion de deux compagnies,
qui a régné sur les rivières et canaux de 1850 à 1972.
- Note 2 : La loi du 3
septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit
l'internement administratif sans jugement de "tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité
publique". Les premiers visés sont les communistes.
- Note 3 : Gaston Van
Weddingen, âgé de 47 ans est arrêté en 1942 et interné à Aincourt. Il est
déporté le 8 avril 1943 au camp de Sachsenhausen où il meurt. Une rue de
Villeneuve-le-Roi porte son nom.
Sources
- Fichier
national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains
(DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée
en février 1992 par André Montagne
- © Etat civil en ligne de l’Eure.
- Les ponts en amont de
Paris.
www.culture.gouv.fr
- Mémoire
de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp
d'internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université
de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des
Humanités.
- Liste
des 88 internés d’Aincourt (tous de l’ancien département de Seine-et-Oise)
remis le 27 juin 1941 à la disposition des autorités d’occupation.
- Archives
du CSS d'Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W, dossier
personnel.
- Liste
(incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les
historiens du Musée d'Etat d'Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des
victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant
généralement la date de décès au camp.
- Death
Books from Auschwitz (registres des morts d'Auschwitz), Musée d’État
d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets)
des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le
27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site
Internet Legifrance.
- Photo
plaque de la rue Honoré Oursel in © Google Street-View.
- © Le CSS d’Aincourt, in blog de Roger Colombier.
- Montage
photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial de Compiègne © Pierre
Cardon
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par
l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Biographie mise à jour et
installée en novembre 2014 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire,
auteur des ouvrages : «Triangles rouges à
Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions
Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet
1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de
mentionner ces références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation
totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter ou la corriger,
vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com Pensez à indiquer
les sources et éventuellement les documents dont vous disposez pour confirmer
ces renseignements et illustrer cette biographie.
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