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Jacques Rotsztajn |
Matricule
« 46307 » à Auschwitz
Jankiel (dit Jacques)
Rotsztajn
est né le 30 juillet 1894 à Varsovie (Pologne).
Il
a épousée Rywka Forover, une brodeuse née en 1897 à Varsovie.
Artisan
maroquinier, homme aux convictions proches du KPP (Komunistyczna Partia Polski) ou membre de celui-ci, il
émigre avec sa famille en Belgique en 1920, après l’interdiction du KPP au
moment de la guerre russo-polonaise (1919-1920) qui oppose la République des
Soviets à la deuxième République polonaise indépendante.
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Jacques Rotsztajn |
Un
premier enfant, Adolphe leur naît le 4 décembre 1920 à Molenbeck-Saint Jean,
une des communes de Bruxelles (Belgique).
La famille émigre ensuite en France. Leur
fille, Lucienne, nait à Paris en 1926. Jacques Rotsztajn est naturalisé
Français le 4 décembre 1928. Il habite au 16 rue Faie Félix, à Vincennes.
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Café rue Diderot à Vincennes |
Jacques
Rotsztajn est adhérent au Parti communiste, membre d’une cellule à Vincennes
« dont le siège se trouvait dans un
café au 53 rue Diderot à Vincennes. M. Rotsztajn avait été signalé par le
commissaire de Vincennes comme étant un élément particulièrement actif de la
propagande communiste clandestine. Il est arrêté pour ce motif à son domicile
16 rue Faie Félix, le 27 juin 1941 vers 6 heures du matin ». In Note blanche des Renseignements généraux
(mai 1955) transmise au Minsitère des Anciens combattants pour l’obtention du
titre de « Déporté politique » présenté par l’épouse de Jacques Rotsztajn.
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Extrait de la liste des RG du 27 juin 1941, montage à
partir du début de la liste
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Cette arrestation le 27 juin au matin se fait
à son domicile, à la demande du commissaire de police de Vincennes qui inscrit " propagande communiste / israélite ".
Son arrestation ne se fait pas pour motif racial.
La liste des Renseignements
généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 27 juin
1941, mentionne pour Jankiel Rotsztajn : « Meneur communiste très actif ».
Elle s’inscrit dans le cadre
d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, à
partir du 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union
soviétique, les Allemands arrêtent plus de mille communistes avec l’aide
de la police française (nom de code de l’opération : «Aktion Theoderich»). D’abord amenés à l’Hôtel Matignon (un lieu
d’incarcération contrôlé par le régime de Vichy) ils sont envoyés au Fort de
Romainville, où ils sont remis aux autorités allemandes. Ils passent la nuit
dans des casemates du fort transformées en cachots.
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Le Frontstalag 122 |
Et à partir du 27 juin ils
sont transférés vers Compiègne, via la gare du Bourget dans des wagons gardés
par des hommes en armes. Ils sont internés au camp allemand de Royallieu à
Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht, camp destiné à l’internement des
«ennemis actifs du Reich», alors seul camp en France sous contrôle direct de
l’armée allemande.
Jacques
Rotsztajn est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages composé, pour
l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et
syndicalistes de la CGT)
et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur
enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles
allemandes destinées à combattre, en France, les Judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions
armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et
des soldats de la Wehrmacht,
à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du
transport : Compiègne-Auschwitz :
6, 7, 8 juillet 1942.
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Dessin de Franz Reisz, 1946 |
Sa
photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des
membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver
de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation
d’Auschwitz.
Après
l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y
sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13
juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS
ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz
I (approximativement la moitié du convoi). Les autres, restent à Birkenau, employés
au terrassement et à la construction des Blocks. Sans profession utile pour la
SS, il est maintenu à Birkenau avec Aimé
Oboeuf, un vincennois comme lui.
On
ignore à quelle date est mort Jacques Rotsztajn à Auschwitz. Agé de 48 ans, il
a dû être très tôt victime des sévices, malnutrition et épidémies qui ont
décimé en quelques mois la majorité du convoi, composée d’hommes bien plus
jeunes. Aimé Obeuf pensait qu’il est mort fin octobre 1942.
Un
arrêté ministériel du 14 septembre 1998 apposant la mention Mort en déportation sur son acte de
décès et paru au Journal Officiel du 2 décembre 1998,
porte la mention « décédé
le 30 octobre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». On sait que dans
les années d'après-guerre, l’état civil
français a fixé des dates de décès fictives à partir des témoignages de
rescapés (ici Aimé Obeuf), afin de donner accès aux titres et pensions aux
familles des déportés.
Jacques
Rotsztajn est déclaré « Mort pour la
France » et homologué « Déporté
Politique » le 11 octobre 1955.
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Monument aux morts de Vincennes |
Son
nom est gravé sur le Monument aux morts de l’ancien cimetière de Vincennes, 1
rue de Fontenay : Aux Vincennois
Morts pour la France. Relevé et photo Généanet le 14-05-2012.
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Mémorial de la Shoah |
Le nom de Jacques Rotsztajn est également inscrit sur le « Mur des noms » du Mémorial de la Shoah à Paris. Il y est référencé comme étant déporté à Auschwitz par le convoi n° 451 (1), qui est le convoi du 6 juillet 1942.
- Note 1 : Dans le cadre
de son considérable travail mémoriel, Serge Klarsfeld a numéroté tous les
convois raciaux partis de France à direction d’Auschwitz, en reprenant les
numéros attribués par les Nazis. Les convois n° 1 et 2 sont partis les 27 mars
et 5 juin 1942 de Compiègne. 67 autres partiront de Drancy, 5 de Pithiviers, 2
de Beaune la Rolande et 1 de Lyon. Mais
on trouve dans les listes du Mémorial de la Shoah, un numéro - le n°
451 sans précision de sa date de départ - qui correspond au convoi du 6 juillet
1942. S’il s’agit d’un convoi composé pour l’essentiel d’otages politiques,
leur déportation s’inscrit dans le cadre de la politique allemande des otages
contre le « judéo-bolchevisme » qui s’applique directement aux
convois n° 1 et 2. Il comprend de plus 50 otages Juifs déportés comme tels, et
sa terrible mortalité (89 %) est proche de celle des convois raciaux. Il eut
certainement mieux valu ne pas le numéroter, car ce numéro 451 introduit une
confusion dans la chronologie : il est en effet historiquement le 3ème convoi
parti de Compiègne pour Auschwitz, et le 6ème des convois
partis de France pour Auschwitz selon sa date de départ.
Sources
- Fichier
national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC
ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche et dossier individuel consultés
en octobre 1993.
- Archives de la Préfecture de police
de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Liste
(incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les
historiens du Musée d'Etat d'Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des
victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant
généralement la date de décès au camp.
- Témoignage
d’Aimé Oboeuf.
- © Mémorial de la Shoah, Centre de documentation
juive contemporaine (CDJC). Paris IVème.
- © Site Internet
Généanet.
- © Site Internet
Legifrance.
- © Site Internet Memorial GenWeb
- Montage
photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial © Pierre Cardon
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par
l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements
généraux, Liste des militants communistes internés le 27 juin 1941.
Biographie mise à jour en juin 2016 (installée en octobre 2014) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire,
auteur des ouvrages : «Triangles rouges à
Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions
Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet
1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de
mentionner ces références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation
totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter ou la corriger,
vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com Pensez à indiquer
les sources et éventuellement les documents dont vous disposez pour confirmer
ces renseignements et illustrer cette biographie.
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