Léo Souque-Laforgue est
né le 13 août 1913 à Bègles (Gironde). Il est le fils de Marguerite Borgez et
d’André Souque-Laforgue son époux. Il habite
au 33 avenue de Rouilly (devenue avenue André Maginot) au moment de son
arrestation à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne).
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La gare de Vitry |
Cheminot,
il est chaudronnier aux Ateliers SNCF de Paris Ouest (1) de Vitry, ville où on
sait qu’il habite à partir de 1937.
Léo
Souque-Laforgue est marié.
Il
est adhérent des Jeunesses communistes, puis du Parti communiste, dont il est
trésorier de cellule à Vitry.
Cheminot,
Léo Souque-Laforgue est « affecté spécial » (2) sur son lieu de
travail lors de la mobilisation générale.
Après
l’interdiction du Parti communiste il est soupçonné d’activités clandestines
par la police, qui pense que des réunions se tiennent à son domicile (qui est
situé non loin des ateliers des Ardoines). « Dès 1941, il existe une organisation clandestine aux ateliers du PO à
Vitry » (Brochure, la Résistance
à Vitry). Elle se transformera en groupe armé, le « groupe Pujol »,
qui y fabriquera des bombes et grenades permettant de réaliser de nombreux
coups de main.
Au
début de 1941, la recrudescence d’inscriptions à la craie, d’affiches et de
diffusion de tracts dans plusieurs quartiers de Vitry (rue Jean Jaurès, Place
de l’Eglise, rue de Talma, rue de Choisy, Voie des Roses, limite de Choisy-le-Roi)
ont alerté les services de la Préfecture.
Des
enquêtes, filatures et perquisitions sont alors effectuées dans les milieux
communistes « notoires » de la ville. Le domicile
de Léo Souque-Laforgue est perquisitionné le 23 mars 1941 : du matériel de
propagande récent y est trouvé. Sa fiche de police établie par le commissariat
de Vitry est alors «actualisée» le 8 avril 1941 à l’issue de cette perquisition.
Elle sera complétée après son arrestation ultérieure.
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Fiche de police du commissariat de Vitry |
On
y lit (cf. photo) « Militant
notoire, propagandiste. Chez lequel se
feraient des réunions.
Perquisition le 23/03/41, au cours de laquelle il a été
trouvé 4 brochures toutes récentes (1er trimestre 41). 1° La Vie du
Parti. 2° Manifeste du PC, février
1941. 3° Le Parti communiste a vingt
ans. 4° Comment se défendre. A été convoqué au Commissariat le 08-04-41 pour
être informé qu'il était tenu responsable par les autorités allemandes des
tracts et affiches séditieuses non lacérés. Secteur : Quartier rue Jean
Jaurès, Place de l’Eglise, rue de Talma, rue de Choisy, Voie des Roses, limite
Choisy-le-Roi. Arrêté le 26/06/41. Camp concentration. Son nom est
accompagné de deux croix rouges soulignées (XX) qui signifie «militants
notoires et dangereux s’étant fait remarquer particulièrement». Lire dans
le blog : Le
rôle de la police française (Rouen, Ivry et Vitry, BS1).
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Le Manifeste de février 1941 |
Le 26 juin 1941, Léo
Souque-Laforgue est arrêté au petit matin à son domicile par des hommes du
commissariat de Vitry, dans le cadre d’une nouvelle vague d’arrestations qui
concerne une centaine de militants
ouvriers.
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Extrait de la liste des RG du 26 juin 1941, montage à
partir du début de la liste
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La liste des Renseignements
généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 26 juin
1941, mentionne pour Léo Souque-Laforgue : « Meneur particulièrement actif ».
Son arrestation a lieu dans le
cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En
effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union
soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus
de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police
française.
Ces opérations sont menées en
concertation avec les autorités allemandes. Marius Hoehn, manœuvre chez Brié et
Jacques Lambolez (déportés à Sachsenhausen dans le convoi du 24 janvier 1943), le
conseiller municipal Jules Lagaisse (déporté dans le convoi du 24 janvier 1943 et
mort à Sachsenhausen en 1943), le menuisier Pierre
Chauffard et Edouard
Til (déportés eux aussi à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942), sont
arrêtés ce même jour (1). Les familles de ces militants ont pensé qu’ils avaient
été dénoncés. Ce que nous savons désormais - grâce aux relevés du Musée de la
Résistance - de l’utilisation par les autorités allemandes, via la Préfecture
de police, d’informations consignées dans les fiches et registres des
commissariats de police d’Ivry et Vitry, nous amène à penser qu’une
dénonciation n’était pas nécessaire (quoique toujours possible). Les
responsables communistes étaient bien connus de la Police.
.jpg) |
Le Frontstalag 122 |
Léo
Souque-Laforgue est interné sans jugement au camp allemand de Compiègne administré
par la Wehmarcht (Frontstalag 122) aussitôt
après. Il y reçoit le numéro matricule n° 243. Marius Hoehn a le n° 244.
Léo
Souque-Laforgue est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit
des «45000». Ce convoi d’otages
composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques
du parti et syndicalistes de la
CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au
moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de
représailles allemandes destinées à combattre, en France, les Judéo-bolcheviks responsables, aux yeux
de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin
contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le
blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz
: 6, 7, 8 juillet 1942.
Le numéro « 45111 ? » figurant
dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à
une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce
numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de
l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de
lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs
centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon dernier livre Triangles rouges à Auschwitz.
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Dessin de Franz Reisz, 1946 |
Après
l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y
sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13
juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS
ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz
I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés
au terrassement et à la construction des Blocks. On ignore dans quel camp il
est affecté à cette date, ni sa date de décès.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne
permet de connaître la date de son décès à Auschwitz. En septembre 1946, le
ministère des Anciens combattants a fixé fictivement celle-ci au « 15 novembre 1942 à Auschwitz » sur
la base du témoignage de ses compagnons de déportation. Un arrêté du
28 juillet 2003 paru au JORF n°224 du 27 septembre 2003 page 16541, reprend
cette date fictive et porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de naissance et jugement
déclaratif de décès.
Il
a été déclaré « Mort pour la France »
et homologué « Déporté politique ».
Le
nom de Léo Souque-Laforgue est inscrit sur la plaque située place des Martyrs
de la Déportation à Vitry, inaugurée à l’occasion du 50ème anniversaire
de la déportation intitulée : « 6 juillet 1942, premier convoi de
déportés résistants pour Auschwitz - 1175 déportés dont 1000 otages communistes
- Parmi eux 14 Vitriots ». Et il est honoré sur le monument situé
place des Martyrs de la Déportation à Vitry : « A la mémoire des Vitriotes et des Vitriots
exterminés dans les camps nazis ».
- Note 1 :
Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (dite PO). C’est l'une des
six grandes compagnies privées de chemin de fer dont les réseaux ont été
fusionnés le 1er janvier 1938 pour constituer la SNCF.
- Note 2 :
« L'affectation spéciale » était accordée sur une proposition de la
Compagnie avec autorisation des Autorités Militaires : un Affecté Spécial était
un spécialiste maintenu à son poste civil et soumis à la juridiction militaire (art.
52, loi du 1er avril 1923).
Sources
- « La
Résistance à Vitry », Brochure réalisée par la municipalité de Vitry après
1967.
- Note
manuscrite de Roger Arnould.
- Photo
recueillie par José Martin (frère
d’Angel Martin) pour Roger Arnoult (FNDIRP), 1973.
- ©
Site Internet Mémorial-GenWeb.
- ©
Site Internet Légifrance.gouv.fr
- ©
Registre de police du commissariat de Vitry. Musée de la Résistance
Nationale : mes remerciements à Céline Heytens.
- Montage
photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial ©
Pierre
Cardon
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz »,
ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements
généraux, Liste des militants communistes internés le 26 juin 1941.
Biographie mise
à jour en 2016 (installée en août 2014) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en
Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions
Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet
1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de
mentionner ces références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation
totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter ou la corriger,
vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Pensez à indiquer les sources et éventuellement les documents dont vous
disposez pour confirmer ces renseignements et illustrer cette biographie.
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