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"Motifs" d'arrestation adressé par les RG au directeur du camp d'Aincourt |
Matricule « 46149 » à Auschwitz
Robert Tiradon est né le 27 juillet 1908 à Pierrefitte
(Seine / Seine-Saint-Denis) au domicile de ses parents, au 22 rue de Paris.
Robert Tiradon habite avec son épouse et la famille de son frère Marcel au 7, chemin (ou sentier) des Rosaires à Pierrefitte, au moment de son arrestation.
Il
est le fils de Célestine, Juliette Dupil, 20 ans, journalière et de Gustave, Antoine Tiradon, 30 ans, maçon, son époux. Il a deux frères (Marcel (3), né en 1906 à Sarcelles et Léonce, né en 1910 à Pierrefitte) et une seour (Odette, née en 1912 à Pierrefitte).
Robert
Tiradon est ouvrier maçon. Il épouse Germaine Brunet le 21 juin 1930 à
Sarcelles (Seine-et-Oise).
Il
est membre du Parti communiste et les services des renseignements généraux le désigneront comme
un "militant particulièrement actif".
On
ignore s’il a effectué son service militaire et s’il a été mobilisé. Son métier, très physique, laisse cependant à penser qu’il n’a pas été ajourné ou réformé.
On sait néanmoins qu’il a subi une lourde opération avant son arrestation.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre dans Paris, vidée des deux
tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le
siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes
défilent sur les Champs-Élysées. Elles ont occupé une partie de la
banlieue-est la veille, puis la totalité les jours suivants.
Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la
recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans
l’Est parisien, la police surveille systématiquement les militants communistes
connus de ses services avant-guerre.
Robert
Tiradon est arrêté à son domicile par des policiers français du commissariat de
Saint-Denis, le 6 décembre 1940 (1) avec
15 autres « militants communistes en vue de leur internement à Aincourt ». Son arrestation s’inscrit dans le cadre d’une
importante rafle de 69 militants communistes de la région parisienne, opérée
conjointement par 8 commissariats de banlieue et 8 commissariats parisiens.
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Le camp d'Aincourt |
Robert
Tiradon est interné administrativement (2) avec ses camarades au camp de
« Séjour surveillé »
d’Aincourt, ouvert le 5 octobre 1940 par le gouvernement de Vichy pour y
enfermer les communistes du département de la Seine. Lire dans le blog Le
camp d’Aincourt . Son
numéro de dossier à Aincourt est le « 28.361 ».
Sur
la liste « des militants communistes
internés le 6 décembre 1940» reçue des Renseignement généraux par le
directeur du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur
internement (C 331/7). Pour Robert Tiradon on lit : « militant
communiste particulièrement actif ».
Son
frère, Marcel Tiradon (3) et un autre pierrefittois, Camille Watremez, sont internés
à Aincourt le même jour que lui, depuis la caserne des Tourelles (boulevard
Mortier à Paris 20ème).
Alors
que Marcel Tiradon fait une demande de commission d’enquête concernant son
internement (il n’est pas arrêté en flagrant délit et comme la plupart de ses
camarades il l’est uniquement sur la base des rapports de police antérieurs à
la guerre et à l’Occupation). D’autres internés ont fait la même démarche et Germaine
Tiradon va la relayer auprès du Préfet de la Seine.
Le
9 mai 1942, à la demande des « autorités d’Occupation » Robert
Tiradon est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) au sein d’un groupe
d’une quinzaine d’internés venant d’Aincourt ou Mantes.
Fin
juillet son épouse reçoit une carte-formulaire imprimée en allemand envoyée par
le Frontstalag 122 aux familles des
déportés du convoi : "Le détenu
ci-dessus dénommé a été, sur ordre de nos autorités supérieures, transféré dans
un autre camp pour y être mis au travail. Le lieu de destination ne nous est
pas connu. Vous devrez donc attendre d'autres nouvelles du détenu".
Depuis le camp de Compiègne, Robert
Tiradon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000» (1170 déportés immatriculés à
Auschwitz dans la série des matricules « 45.000 » et
« 46.000 », d'où le nom "convoi des 45000" que les rescapés
se sont donné). Ce convoi d’otages composé, pour
l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et
syndicalistes de la CGT)
et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur
enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles
allemandes destinées à combattre, en France, les Judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions
armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et
des soldats de la Wehrmacht,
à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du
transport : Compiègne-Auschwitz
: 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont
présents à l'arrivée du train en gare d'Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces
derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d'Auschwitz (camp
souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre
les numéros « 45157 » et « 46326 ».
Ce matricule - qu'il doit apprendre à
dire en allemand et en polonais à toute réquisition - sera désormais sa
seule identité pour ses gardiens.
Robert
Tiradon est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le
numéro «46149» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les
historiens polonais du Musée d'Etat d'Auschwitz.
Lire dans le blog le récit de leur premier jour à
Auschwitz : L'arrivée
au camp principal, 8 juillet 1942. et 8
juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, "visite médicale"
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Dessin de Franz Reisz, 1946 |
Sa
photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des
membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver
de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation
d’Auschwitz.
Après
l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y
sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il
est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour
leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I
(approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés
au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun
des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant
l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est
affecté à cette date.
Il
meurt à l'infirmerie d'Auschwitz le 6 décembre 1942 selon la liste par
matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée
d'Etat d'Auschwitz.
Un
arrêté ministériel du 6 septembre 2000 apposant la mention Mort en déportation sur son acte de
décès et paru au Journal Officiel du 2 janvier 2001,
porte la mention « décédé
en décembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». On sait que dans
les années d'après-guerre, l’état civil
français a fixé des dates de décès fictives à partir des témoignages de
rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Robert
Tiradon a été déclaré « Mort pour la
France» et homologué « Déporté politique » en 1953. La
carte est délivrée à Germaine Tiradon, son épouse.
Robert Tiradon est homologué (GR 16 P 571887) au titre de la
Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements
de Résistance dont les services justifient une pension militaire pour ses ayants
droit.
Son
nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune.
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Son frère, Marcel Tiradon, fiche RG aux Tourelles |
- Note 1 : Sa fiche au DAVCC porte un
mois sans doute erroné (octobre), qui est vraisemblablement la date de
l’arrestation de son frère Marcel, né le 3 juin 1906 à Sarcelles. Pour Fernand
Devaux (rescapé, arrêté comme Jeune communiste de Saint-Denis), Robert Tiradon est arrêté en même temps
que Marcel Poullain et Camille Watremez. Les documents consultables aux
archives de la Préfecture de police de Paris et au DAVCC à Caen indiquent que Camille
Watremez est arrêté le 26 octobre. Et ni le nom de celui-ci, ni celui de Marcel
Poullain ne figurent sur la liste de la Préfecture de police des militants communistes arrêtés le 6 décembre
en vue de leur internement à Aincourt. Par contre on trouve les noms de Marcel
Tiradon (son frère) et de Camille Watremez sur la liste des militants qui sont qui
sont transférés à Aincourt le 6 décembre 1940 depuis la caserne des Tourelles.
Les deux frères Tiradon et Camille Watremez arrivent bien à Aincourt le 6
décembre 1940.
- Note 2 : L’internement
administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939,
qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de
nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé,
« des individus dangereux pour la
défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le
gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le
décret du 18 novembre 1939 et prévoit l'internement administratif de
"tous individus dangereux pour la
défense nationale ou la sécurité publique". Les premiers visés sont
les communistes.
- Note 3 : Marcel Tiradon a été arrêté le
10 octobre 1940. Il est ensuite retenu à la caserne des Tourelles. Comme son
frère Robert, il va être « interné administratif » au camp d’Aincourt
le 6 décembre 1940. A la suite du décès de son épouse, père de 4 enfants, il
est libéré le 26 février 1941.
Sources
- Etat civil de Pierrefitte. Remerciements à Mme Jacqueline Rousselet.
- Courrier
de M. Daniel Biotton, maire de Pierrefitte (18 octobre 1989).
- Fichier
national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC
ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en
octobre 1993.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, cartons occupation
allemande, BA 2374 et BA
1837.
- Mémoire
de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp
d'internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université
de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des
Humanités.
- Archives
du CSS d'Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W.
- Liste
(incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les
historiens du Musée d'Etat d'Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des
victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant
généralement la date de décès au camp.
- Site internet © Mémorial et Musée d’Etat
d’Auschwitz-Birkenau,
où seul son numéro matricule est publié.
- © Le CSS d’Aincourt, in blog de Roger Colombier.
- © Dessin
de Franz Reisz, in « Témoignages sur
Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz
(1946).
Notice biographique mise à jour en juin
2014 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages
: «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 »
Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille
otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»,
éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces
références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou
d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter
ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel
à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
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