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Henri Rolland le 8 juillet 1942 |
Matricule « 46067 » à Auschwitz
Henri
Rolland
est né le 18 décembre 1922 à Paris (11ème).
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La rue des Amandiers en 1930 |
Il est domicilié au 78 rue
des Amandiers à Paris (20ème), non loin du domicile de Raymond Moyen (au 53) et de la
famille Zalnikov (affaire dite Brustlein-Zalkinov).
Célibataire, il travaille comme mineur-boiseur
(profession déclarée au camp de Voves) ou jardinier (mention sur sa fiche au
BAVCC, qui est peut-être la profession qu’il déclare à Auschwitz pour trouver
un bon Kommando).
Il est membre des Jeunesses communistes.
Non mobilisable, il participe à l’action
clandestine des J.c. Malgré les arrestations massives d’octobre à décembre 1940,
la propagande communiste clandestine continue dans les arrondissements de l’Est
parisien et inquiète le gouvernement de Vichy. Des filatures, perquisitions et
arrestations sont ordonnées et opérées par les brigades spéciales des Renseignements
généraux à partir de février 1941 dans le 20ème arrondissement.
Henri Rolland est arrêté le 28 juin 1941 pour
« activité communiste » et « flagrant-délit de distribution de tracts ».
Dans cette période qui suit l’invasion de l’Union soviétique, la Jeunesse
communiste publie un tract (fac-similé ci-contre). Les allemands arrêtent un
millier de communistes (1). Henri Rolland est inculpé d’infraction au décret du
26 septembre 1939, et il est écroué le 30 juin à la Maison d’arrêt de la Santé
en attente de jugement. Il est condamné le 21 août 1941 à 6 mois de prison par
la 15ème chambre du Tribunal correctionnel de la Seine (chambre des
mineurs). Il est écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes le 30 septembre 1941, puis
à la Maison centrale de Poissy.
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Poissy maintien en attente (fiche Thédé) |
Le 21 mai 1941, le directeur de la Centrale
de Poissy transmet au Préfet de Seine-et-Oise, « en exécution des notes préfectorales des 14 novembre 1940 et 18 février
1941 », les dossiers de détenus communistes de la Seine devant
être libérés à l’expiration de leur peine au cours des mois suivants. Pour la plupart des détenus communistes libérables de
Poissy, le Préfet a prévu leur internement
administratif, en application de la loi du 3 septembre 1940 (2). Toutefois
il demande au directeur de Poissy que ces militants soient « interné à
sa sortie de Poissy dans cet établissement, en attente qu’une place soit
disponible à Aincourt ». Le CSS d’Aincourt est en effet complètement
saturé à cette époque. Cette disposition concerne plusieurs détenus (3) qui sont
finalement internés aux campx de Rouillé ou de Voves, le camp d’Aincourt étant surchargé.
A l’expiration normale de sa peine, Henri
Rolland est maintenu à Poissy. Le 13 février 1942 il est finalement transféré
au Dépôt de la Préfecture de police de Paris avec 23 autres détenus communistes
de Poissy. Le Préfet de police de Paris, Charles Paul Magny, ordonne son
internement administratif le 26 mars 1942 en application de la Loi du 3
septembre 1940 (1).
Henri Rolland est transféré au « Centre
de séjour surveillé » de Voves (Eure-et-Loir) : le 16 avril 1942, à 5
h 50, un groupe de 60 militants « détenus
par les Renseignements généraux » est transféré de la permanence du
dépôt de la Préfecture au camp de Voves (Eure-et-Loir), convoyés par des
gendarmes de la 61ème brigade. Ce camp (Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5
janvier 1942 le « Centre de
séjour surveillé » n° 15.
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Liste du CSS de Voves |
Henri
Rolland est enregistré à Voves sous le numéro de dossier 406.093
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai
1942, le chef de la la Feldkommandantur d’Orléans
envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de
Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du
commandement militaire en France.
Henri Rolland figure sur la première liste (3).
Le 10 mai 1942 les Felgendarmen prennent en charge 87 détenus et les
convoient jusqu’au camp allemand de Compiègne (Oise) (Frontstalag 122).
Henri Rolland est déporté à Auschwitz dans le
convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000».
Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes
(responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine
d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz)
faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en
France, les Judéo-bolcheviks
responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6, 7, 8 juillet 1942.
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Auschwitz : l'immatriculation |
Sa photo d’immatriculation (5) à Auschwitz a
été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp
avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu
de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Après l’enregistrement, il passe la nuit au
Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9
juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4
km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa
profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont
sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du
convoi). Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la
construction des Blocks. Henri Rolland retourne au camp principal, affecté au
block 16.
Dessin de Franz Reisz, 1946
Henri Rolland meurt
à Auschwitz le 28 août 1942 d’après le certificat de décès établi au
camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1013 et le site internet © Mémorial et Musée
d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec son numéro matricule, domicile,
dates et lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Globenslos » (athée).
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Dessin de Franz Reisz, 1946 |
Un arrêté ministériel du 14 décembre 2012
paru au Journal Officiel du 15 février 2013 porte
apposition de la mention «Mort en
déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté s’il
constitue un progrès, car il corrige le précédent qui indiquait « mort le
6 juillet 1942 » à
Compiègne,
porte pourtant une date
erronée « décédé le 12 juillet 1942 à Auschwitz », soient les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude
quant à la date réelle de décès à Auschwitz. Or cette incertitude n’existe
plus. Il serait logique que le ministère prenne
désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son
certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (in Death
Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau) et sur le site
internet du Musée d’Auschwitz, qui apporte la preuve de son décès à Auschwitz !
Lire dans le blog l’article expliquant les différences de dates entre celle
inscrite dans les «Death books» et
celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès
des "45000" à Auschwitz.
Une plaque commémorative honorant son nom a été apposée à son
domicile, 78 rue des Amandiers.
- Note 1 : le 22 juin
1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands
arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la
police française. Ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp
allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht.
- Note 2 : La loi du 3
septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit
l'internement de "tous individus
dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique". Les
premiers visés sont les communistes.
- Note 3 : François Dallet, Raymond Delorme, Georges Deschamps,
Albert Faugeron, Raymond Langlois, Pierre Marin, Paul Monnet, Marcel Nouvian, René
Robin, Pierre Roby, Jean Sterviniou, Eugène Thédé … ses futurs compagnons de
déportation à Auschwitz (excepté Pierre Roby, déporté à Sachsenhausen).
- Note 4 : Sur les deux
listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à
Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de
visite afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81
communistes pris en charge par l’armée d’occupation. « La prise en charge par les
gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves ».
Il poursuit « Cette ponction a
produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent
pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils
conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain
la victoire sera pour eux ». Il indique également « ceux qui restèrent se mirent à
chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ».
- Note 5 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à
Auschwitz ont été retrouvées. A la Libération elles ont été conservées dans les
archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André
Montagne, vice-président de l'Amicale d'Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Fichier national du Bureau des archives des
victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Liste (incomplète) du convoi du 6 juillet
1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau
(archives des ACVG).
- Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 -
mai 1944, mémoire de maîtrise,
Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du
6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d'Etat
d'Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits
contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de
décès au camp.
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d'Auschwitz), Musée d’État
d’Auschwitz-Birkenau,
1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de
décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et
le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet
Legifrance.
- Archives
départementales de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la
Seine.
- Maison centrale de Poissy, Archives
départementales des Yvelines.
- Archives de la Préfecture de police
de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Photo d'immatriculation à
Auschwitz : Musée d'état Auschwitz-Birkenau / © collection
André Montagne .
- © Rue
des Amandiers 1930, Paris rues.com
- © Dessin de Franz
Reisz, in « Témoignages sur
Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz
(1946).
Biographie
mise
à jour en mai 2014 à partir de la notice rédigée en 2002 par Claudine Cardon-Hamet
pour l’exposition de Paris de l’association «Mémoire vive». Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur
des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi
politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005
Paris et de Mille otages pour Auschwitz,
le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997
et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de
ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette
biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me
faire un courriel deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Pensez à indiquer les sources et éventuellement les documents dont vous
disposez pour confirmer ces renseignements et illustrer cette biographie.
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