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Signature de René Beaulieu le 5 mai 1942 à Compiègne |
Matricule « 45213 » à Auschwitz
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Ici habitait la famille Beaulieu |
Il habite chez ses parents au 39
rue Hussenet à Rosny, au moment de son arrestation.
René
Beaulieu est célibataire, élève mécanicien. Il est ami avec Georges
Guinchan, qui travaille alors avec son père, comme peintre en lettres. Il est comme
lui adhérent des Jeunesses communistes. Après l’interdiction des organisations
communistes le 26 septembre 1939, il continue de militer.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre dans Paris, vidée des deux
tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le
siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes
défilent sur les Champs-Élysées. Elles ont occupé une partie de la
banlieue-est la veille, puis la totalité les jours suivants. Rosny dépend d'une
Kommandantur installée à
Nogent-sur-Marne.
René Beaulieu est arrêté fin juillet 1940 et il
est écroué du 30 juillet au 15 octobre 1940 selon sa fiche à la DAVCC (1).
A propos d'Edouard Beaulieu et de son fils, on peut néanmoins lire in Résistantes et Résistants en Seine-St-Denis : « Le 1er août 1940, son fils René,
militant des Jeunesses communistes, est arrêté après une distribution de
tracts dans les boites aux lettres de Rosny. Il fut arrêté en même temps qu'Albert Rossé, Faustin Jouy (dit Gaston) et Eugène Omphalius…». Selon le témoignage de Mme Beaulieu et Le Maitron, René Beaulieu est arrêté le 2 août 1940.
René
Beaulieu est alors très vraisemblablement retenu dans le quartier des mineurs de
la Santé. Le 22 octobre 1940, il est placé sous mandat de dépôt.
Le 8 février
1941, il passe en jugement devant la 15ème chambre du tribunal
correctionnel de la Seine, avec Gaston Jouy et Eugène Omphalius (affaire dite « des
50 »). Il est condamné à 4 mois de prison. La peine prononcée étant couverte
par sa longue détention préventive et comme il est mineur, il est libéré.
On sait par sa mère qu’elle a demandé une
autorisation de visite au Préfet de Seine-et-Oise, pour elle et son fils, afin
de voir Edouard Beaulieu interné au camp d’Aincourt.
René
Beaulieu est arrêté à nouveau à Rosny, le 28 avril 1942. Ce jour-là une rafle est
effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine. Lire dans le
blog La
politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette
politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages
déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés
une première fois par la police française pour « activité communiste »
depuis l’armistice et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont
connus ou suspectés par les services de police. Il s’agit de représailles
ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de
première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus
parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff). René Beaulieu est remis
aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand
de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Il est affecté au bâtiment
A1, chambre 3, où se trouve son père.
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Le menu du 5 mai 1942, avec les signatures |
René
Beaulieu participe aux actions collectives organisées par la
Résistance du camp pour maintenir le moral des internés et venir en aide
aux plus démunis : ci-contre, le menu d'un "repas fraternel" organisé
le 5 mai 1942, qui porte 34 signatures, parmi lesquelles on peut identifier
celle de plusieurs "45000" dont celles de René et son père, Gabriel
Torralba (dont c’est le menu), Eugène Clément (45374, de Paris), Armand
Nicolazzo (45924, d’Argenteuil), Louis Guidou (45637, d’Ivry), Félix Néel
(46252, de Romainville), André Doucet (45480, de Nanterre), Auguste Monjauvis
(45887, de Paris), Jean Berthoud (45230 de Paris 20ème), Louis Gouffé (45620 de
Romainville), et celles des camarades bordelais de Gabriel Torralba, Eustache
(45522 de Pessac) et Beudou (45243 de Talence), et d’André Tollet qui s’évadera
le 22
juin 1942 : évasion de 19 internés.
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Depuis ce camp, René
Beaulieu est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit
des «45000» (1170 déportés immatriculés à
Auschwitz dans la série des matricules « 45.000 » et
« 46.000 », d'où le nom "convoi des 45000" que les rescapés
se sont donné). Ce convoi d’otages
composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques
du parti et syndicalistes de la
CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au
moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de
représailles allemandes destinées à combattre, en France, les Judéo-bolcheviks responsables, aux yeux
de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin
contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le
blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz
: 6-8 juillet 1942.
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Dessin de Franz Reisz, 1946 |
Sa
photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des
membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver
de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation
d’Auschwitz.
Après
l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y
sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13
juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS
ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz
I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés
au terrassement et à la construction des Blocks. Edouard Beaulieu, son fils et
le copain de celui-ci Georges Guinchan, retournent au camp principal. A
Auschwitz 1 ils sont assignés au Block 15 et affectés au très dur Kommando des
couvreurs.
René
Beaulieu est atteint du typhus. Il entre à l’infirmerie le 8 septembre et y
meurt le 14 septembre. Son père meurt le 18 septembre 1942. Pour Auguste
Monjauvis, il n’a pas voulu quitter son fils et il est entré avec lui à
l’infirmerie. Pour Georges
Guinchan, Edouard Beaulieu ignore la mort de son
fils lorsqu’il est pris avec cent quarante-sept autres «45000» dans une vaste sélection
interne des inaptes au travail,
opérée dans les blocks d’infirmerie et envoyé à la chambre à gaz.
Un arrêté ministériel du 20 mai 1987 paru au
Journal Officiel du 18 juillet 1987 porte apposition de la mention «Mort en
déportation» sur son jugement déclaratif de décès, avec une mention erronée :
décédé en octobre 1942 à Auschwitz.
René Beaulieu meurt en effet à Auschwitz le 14 septembre 1942 d’après
le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz Tome 2 page 60 et le
site internet © Mémorial et Musée d’Etat
d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux
de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
René
Beaulieu est déclaré « Mort pour la
France » et homologué « Déporté
politique » le 4 mai 1948.
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Plaque FNDIRP |
Le
conseil municipal donne le nom de son père à l'ancienne rue d'Avron. A l'entrée
de cette rue, une plaque a été apposée, qui rappelle les noms et prénoms du
père et de son fils. Le nom de René Beaulieu est inscrit dans la liste des
Morts civils (monument commémoratif). Une plaque apposée en mairie honore leurs
mémoires.
- Note 1 :
Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC),
Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993. La
fiche porte deux dates : 3 juillet et 30 juillet. Cette dernière date correspond
à la date d’arrestation d’un autre jeune communiste, Eugène Omphalius. On
trouve dans le Maitron une date d’arrestation
voisine dans la biographie de son père Edouard Beaulieu (notice de Jean-Pierre Besse)
« son fils René, militant des
Jeunesses communistes, est arrêté le 2 août 1940 après une distribution de
tracts dans les boites aux lettres de Rosny. Il fut arrêté en même temps que René
Rosse, Faustin Jouy (dit Gaston) et Eugène
Omphalius…» ce que confirme le témoignage de Mme Beaulieu,
avec la date du 1er août, reprise par Monique Houssin dans « Résistantes et Résistants en Seine-Saint-Denis »).
il est vraisemblable que le tract en question ait été le recto-verso de
« l’Avant-garde » clandestine n° 16 de juillet 1940.
- Note 2 :
Lire dans le blog La
politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Sources
- Fichier
national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC
ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en
octobre 1993.
- Société
d'Histoire de Rosny, correspondance de M. Paillot et Buisson, 19 mai 1992.
- Le Maitron, Dictionnaire
biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir),
éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Tome 18, page 301. Edition informatique 2014, notice Jean-Pierre
Besse.
- Archives de la police / BA 2374
- Monique
Houssin « Résistant es et Résistants
en Seine-St-Denis » Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de
l'Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, page 174.
- Liste
des disparus de Rosny (1946), Mairie, avril 1992.
- Témoignage
d’Albert Rosse, de Rosny, rescapé du convoi du 6 juillet 1942.
- Souvenirs
de Georges Guinchan. Georges Guinchan, "Aides-toi, le ciel t'aidera", brochure à compte d'auteur, Les
Hôpitaux neufs.
- Death
Books from Auschwitz (registres des morts d'Auschwitz), Musée d’État
d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets)
des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le
27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet
Legifrance.
- © Site Internet
MemorialGenWeb.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz »,
ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique mise
à jour en 2014 et 2019 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des
ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 »
Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille
otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»,
éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces
références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou
d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter
ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
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