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Ex avenue Georgette |
Albert Beugnet est
né le 15 novembre 1902 au domicile de ses parents, rue de Lille à Béthune (Pas-de-Calais). Il est le fils de Joséphine,
Zéphirine, Uranie Delahaye, 32 ans, sans profession et d’Alfred, Louis, Isidore
Beugnet, 31 ans, typographe, son époux.
Au
moment de son arrestation, il est domicilié au 63 rue du Général Lambert à
Drancy (Seine / Seine-Saint-Denis).
Le
10 octobre 1925 à Drancy, il épouse Marie, Lydie, Berthe Lagniez, née le 23
janvier 1902. Le couple a un garçon, Albert, qui nait le 6 janvier 1923.
Albert
Beugnet est cheminot, « chef de trains » à la gare du Bourget triage,
pour la région Nord avec Henri Gateau et Gabriel Lamblin.
Ils
sont militants syndicaux et membres du Parti communiste.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux
tiers de sa population, le 14 juin. La ville cesse alors d’être la capitale du
pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les
troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. Elles ont occupé une
partie de la banlieue-est la veille, puis la totalité les jours suivants.
Le
5 octobre 1940, Albert Beugnet est arrêté avec Henri
Gateau et Gabriel Lamblin (eux aussi
chefs de trains à Drancy) et le même jour que Jules Crapier (1), par la police
française dans le cadre de la grande rafle organisée, avec l’accord de
l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables
communistes d’avant-guerre de la région parisienne : les militants
parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars
à Aincourt. Le préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevallier, exécute une rafle
identique à celle de Paris dans son département. Au total, plus de 300
militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde»,
sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940. Lire dans le blog : Le
camp d’Aincourt.
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Aincourt, liste des RG |
Sur
la liste « des militants communistes
« concentrés » le 5 octobre 1940» envoyée par les
Renseignements généraux au directeur du
camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C
331/7). Pour Albert Beugnet on lit : «
38 ans. Se livre à la propagande clandestine ». Il a le n° de dossier
82.709.
Le
6 septembre 1941, Albert Beugnet est transféré avec 148 autres internés venant
du camp d’Aincourt au CIA de Rouillé (2).
Le
14 octobre, le directeur du CIA de Rouillé demande au Préfet de la Seine les
dossiers des internés arrivés à Rouillé un mois auparavant, dont celui d’Albert
Beugnet (C 331/24), pour lesquels il n’a « aucun document ».
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Rouillé réponse des RG au chef de camp |
Ces
dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre. On y
retrouve la même formulation des RG, cette fois-ci à l’imparfait « se livrait à la propagande clandestine ».
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant
du camp de Rouillé (1) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au
camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom d’Albert
Beugnet (n° 33 de la
liste) y figure. Et le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (3)
qu’il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne.
La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6
juillet 1942.
Depuis ce camp de Compiègne, Albert
Beugnet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000» (1170 déportés immatriculés à
Auschwitz dans la série des matricules « 45.000 » et
« 46.000 », d'où le nom "convoi des 45000" que les rescapés
se sont donné). Ce convoi d’otages composé, pour
l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et
syndicalistes de la CGT)
et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur
enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles
allemandes destinées à combattre, en France, les Judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions
armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et
des soldats de la Wehrmacht,
à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du
transport : Compiègne-Auschwitz
: 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de
Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l'arrivée du train en gare
d'Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et
photographiés au Stammlager d'Auschwitz (camp souche ou camp
principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre
les numéros 45157 et 46326.

On
ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942
Lire dans le blog le récit de leur premier jour à Auschshwitz L'arrivée
au camp principal, 8 juillet 1942. et 8
juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, "visite médicale".
Le numéro «45243 ?» inscrit dans mes
deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et
2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par
matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr
en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la
persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur
plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un
membre de sa famille ou ami de la photo
d’immatriculation publiée au début de cette biographie pourrait
désormais en fournir la preuve.
Après
l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y
sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13
juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS
ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz
I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés
au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun
des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant
l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est
affecté à cette date.
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Dessin de Franz Reisz, 1946 |
Albert Beugnet meurt à Auschwitz le 21 août 1942 d’après
le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz Tome 2 page 83 et le
site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où
il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication
« Katolisch » (Catholique).
Un
arrêté ministériel du 28 mai 2008 paru au Journal Officiel du 4 juin 2008 porte
apposition de la mention «Mort en déportation»
sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais il comporte une date
erronée : « décédé en janvier 1943
à Auschwitz (Pologne) » qui reprend celle, fictive, apposée sur son
acte de naissance le 28 février 1947. Il serait souhaitable que le Ministère
prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de
décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultable sur le
site internet du © Mémorial et Musée d’Etat
d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le blog l’article expliquant
les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil
français) Les
dates de décès des "45000" à Auschwitz.
Albert Beugnet est déclaré "Mort pour la France" et homologué « Déporté
politique ».
Albert Beugnet est homologué (GR 16 P 57160) au titre de
la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des
mouvements de Résistance dont les services justifient une pension militaire pour ses ayants droit.
En 1952, la
municipalité de Drancy a donne son nom à l'ancienne avenue Georgette.
Son nom est gravé sur la plaque commémorative dédiée aux
déportés, apposée à l’entrée de la mairie. Il est également gravé avec ceux de
François Garcia, Henri Gateau, Gabriel Lamblin et Jules Mailly sur la stèle au
triage du Bourget « Aux agents
résistants de la gare du Bourget morts pour la France », sur la stèle
en gare des voyageurs du Bourget « A
la mémoire des agents de la S.N.C.F. morts par faits de guerre ».
- Note 1 : Gabriel
Lamblin, né le 17 mars 1901. Déporté à Neungamme. Jules Crapier, secrétaire général des cheminots CGT, organise
les comités populaires cheminots sur la région parisienne en 1940.
- Note 2 : Le camp
d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941,
sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés
politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti
Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940.
D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 :
Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont
manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François,
Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés
(Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit
libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
Sources
- Archives
en ligne de la ville de Béthune.
- Courrier
du Maire de Drancy, Maurice Nilès, juillet 1992.
- Livres des Morts d'Auschwitz, Musée
d'état d'Auschwitz-Birkenau, 1995.
- Monique
Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue,
une histoire, Les éditions de l'Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004,
pages 61 et 64.
- Archives
du CSS d'Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W.
- Archives de la Préfecture de police
de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Liste
du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de
Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
- Fichier
national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains
(DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre
1993 par André Montagne .
- Death
Books from Auschwitz (registres des morts d'Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé
essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis
au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31
décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet
Legifrance.
- © Site Internet
MemorialGenWeb.
- Photo d'immatriculation à Auschwitz : Musée d'état
Auschwitz-Birkenau / © collection André
Montagne .
- Plaque
de rue © Google Maps.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz »,
ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique mise
à jour en 2014 et 2019 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des
ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 »
Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille
otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»,
éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces
références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou
d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter
ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel
à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
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