Le
6 juillet 1942 en gare de Compiègne : « Les soldats comptent les
hommes par cinquante et les poussent vers les wagons. (…). Les déportés se
retrouvent à quarante-cinq, cinquante, soixante ou plus, dans les wagons de
marchandises qui, pour avoir servi au transport des troupes, portent encore
l'inscription : 40 hommes - 8
chevaux en long. Des wagons sales, au plancher recouvert par deux à trois
centimètres de poussière de ciment ou de terre, avec, pour seule ouverture, une
petite lucarne grillagée ou bardée de barbelés, près de laquelle les plus
souples réussissent à se glisser. Au centre, un gros bidon ayant contenu du
carbure dont l'odeur déjà les incommode ».
Extrait de mon ouvrage «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 »
Editions Autrement, 2005 Paris. Prologue, p.11.
M.
Alain Cassagnau, Webmaster de http://www.tvnp.fr/PFF (recensement national de
patrimoine ferroviaire roulant) m’a apporté de précieuses indications concernant
les wagons utilisés par les nazis pour le transport des convois de déportés. Elles
permettent d’éviter les confusions sur des photos de wagons qui n’ont pas pu
servir à ces transports (car trop anciens ou par exemple de type
"G40" ou "Standard", de construction USA, livrés dans le
cadre du Plan Marshall entre 1947 et 1951).
Je
le cite :
« L'occupant ayant besoin de fiabiliser au
maximum les trajets, exigeait les wagons les plus récents. D'autant qu'ils ne
rentraient pas à vide, mais lourdement chargés de fournitures militaires. Il
n'était donc pas question d'utiliser des wagons anciens, qui pouvaient faire
risquer, sur de longs trajets, des échauffements d'essieux (incident typique,
encore de nos jours, de la circulation ferroviaire).
Le seul type de
wagons français que l'on voit habituellement sur les photos de déportation sont
du type "OCEM", construits au plus tôt en 1919, au plus tard en 1929
(et ce sont plutôt ces derniers qui ont clairement été utilisés). Ce type se reconnaît grâce à l'espace
vertical qui sépare les volets d'aération : si sa largeur fait la moitié de
celles des volets, c'est à priori un OCEM 1929. Si la largeur fait nettement
moins de la moitié, c'est un OCEM 1919, donc vieux de 23 ans au moment de la
déportation, c'est peu pour du matériel ferroviaire (surtout à cette époque)
mais l'occupant préférait certainement les modèles 1929, plus fiables »(Alain
Cassagnau).
Au sujet de
deux indications portées sur les wagons
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La mention « Hommes 40, chevaux en long 8 ».
Les
wagons de marchandise couverts de type OCEM 1919
et 1929 utilisés pour le transport des déportés vers les camps de concentration
portent l'inscription « hommes : 40 / chevaux en long : 8 » (décret de 1874).
« La mention
figurait sur tous les wagons couverts, car l'usage de transporter du
personnel dans ces wagons était chose courante (sur des trajets raisonnables,
évidemment).
Vous citez un nombre
de 45 à 60 personnes, ce qui n'est hélas par surprenant. A comparer avec les
photos de transport de militaires ou d'ouvriers dans de tels wagons - voire
même de passagers sur les petites lignes locales en cas de fêtes ou de marchés
- dans lesquels on n'atteignait jamais le nombre limite de "40
hommes". Mais comme ce mode de transport existait depuis l'aube du chemin
de fer, l'exactitude voudrait que l'on précise que ce qui était inhumain, ce
n'était pas de "mettre des hommes dans des wagons à bestiaux"
(puisque cela se faisait !), mais de les mettre en surnombre, sans soin, et sur
une très longue distance » (Alain Cassagnau).
![]() |
Wagon 1896 |
Des
documents photographiques de wagons utilisés pour les transports de troupes
pendant la première guerre mondiale portent des inscriptions similaires donnant
la capacité en hommes et en chevaux des wagons. Conçus comme transports de marchandises, les wagons couverts pouvaient être affectés du jour au lendemain au transport de troupes. D’où l’inscription devenue historique de « 40
hommes / 8 chevaux », imposée en 1874 par un décret de la IIIème
République, qui obligeait les Compagnies de chemin de fer à l’apposer sur tous
les wagons couverts reconnus aptes aux transports militaires, afin d’en
faciliter la réquisition. Cette inscription a définitivement disparu après 1950
(source @ Monument national des évadés des trains de déportation de Langeais).
Une étoile à 6
branches ?
Des photos montrant
des wagons ayant servi à la Déportation portent une étoile à 6 branches avec un
chiffre au milieu. Il ne s’agit nullement, comme on a pu le croire, d’une étoile
juive, mais d'une indication - qui existait déjà en 1914 - concernant le
"Régime accéléré" (transport rapide de marchandises) (courriel de M. Alain Cassagnau).
Au
vu des photos de wagons publiées sur différents sites, M. Alain Cassagnau estime en outre que bon nombre des wagons utilisés
pour les convois de déportés sont d’origine allemande (les wagons allemands se
reconnaissent à leur toit en général beaucoup plus bombé que les wagons
français).
Claudine Cardon-Hamet
article modifié en mars 2016
article modifié en mars 2016
Sources
- Courriels de M. Alain Cassagnau, Webmaster de http://www.tvnp.fr (recensement national de matériel vapeur en voie normale), membre du Cercle Historique du Rail Français - http://railsdautrefois.fr, membre de l'Amicale des Anciens et Amis de la Traction Vapeur SNCF, http://www.241p9.fr
- @ Le wagon souvenir de Langeais.
- Photos des wagons @ Monument national des évadés des trains de déportation de Langeais.
- Photo de wagon avec l’étoile à 6 branches @ Mémorial d’Auschwitz-Birkenau.
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