Matricule "45193" à Auschwitz
René Balayn est né le 22 août
1900 à Saint-Peray (Ardèche).
Il est le fils d’Octavie, Maria Fouquet, 22 ans,
ménagère et de Rémy Charles Balayn, 27 ans, employé à Paris.
Il habite au 8 rue de Verdun à Villejuif (Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
René
Balayn est titulaire du certificat d’études primaires.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m
62, a
les cheveux châtain foncés, les yeux marron, le front vertical et le nez
rectiligne, le visage ovale. Au moment de l’établissement de sa fiche, son père
est décédé. René Balayn tourneur. Il sera par la suite buandier. Il habite avec
sa mère au 32 Grande Rue à Villejuif. Il a un niveau d’instruction n° 2 pour
l’armée (sait lire et écrire).
Conscrit de la classe 1920, René Balayn devance l’appel et signe un
engagement pour la durée de la guerre à la mairie du 4ème
arrondissement au titre du 1er groupe d’aviation. Il est démobilisé
le 6 novembre 1919 par le 1er groupe d’aérostation… Jusqu’à l’appel
de sa classe, « a encore 21 mois et
22 jours à faire pour satisfaire
à ses obligations de service». Il est « rappelé à l’activité » le 15 mars 1920 au 22ème
Régiment d’aviation. Renvoyé dans ses foyers le 16 avril 1921 : « a encore 8 mois et 21 jours à accomplir ».
Il est « rappelé à l’activité le 25 mai 1921 au 32ème Régiment
d’aviation… qu’il ne rejoint pas « maintenu
dans ses foyers ».
René Balayn travaille depuis le 24 août 1921 comme buandier-blanchisseur à l’hôpital psychiatrique de Villejuif. En octobre 1922, il habite au 3 voie de Chevilly à Villejuif.
Le 14 avril 1923, René Balayn épouse à Villejuif, Jeanne, Georgette, Alexandra Desbait (née Leroux le 29 mai 1900 à Chambord). Elle est infirmière. Le couple a deux enfants (Jean, né le 2 janvier 1924, et Roland, né le 16 février 1925).
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Le pavillon 8 rue de Verdun |
De juin 1924 à août 1925, ils habitent 5 rue Raymonde à Villejuif. Puis en avril 1932 au 8 rue de Verdun, un pavillon qu'ils ont acheté.
Membre
du Parti communiste depuis 1925, René Balayn est élu conseiller municipal le 7
mai 1929 sur la liste du Bloc Ouvrier et Paysan, dont la tête de liste est Paul
Vaillant-Couturier (alors en prison pour ses écrits contre Mussolini. Il n’exerça
pas son mandat avant février 1932). René Balayn est réélu en mai 1935. Il est
trésorier de la Caisse
des Ecoles.
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L'Asile de Villejuif |
Au
moment du Pacte germano-soviétique, il semble avoir rompu avec le Parti
communiste. « Il écrivit au
préfet de la Seine
le 12 janvier 1940 pour condamner le Pacte germano-soviétique et annoncer
sa rupture avec le Parti communiste (« je n’avais plus rien de commun avec
le Parti dissous ») et donna sa démission du conseil municipal. Mais
il est néanmoins déchu de son mandat le 29 février 1940 car « Un
rapport de police du 5 novembre 1940 précisait que malgré sa répudiation,
« lors du récent retour à Villejuif de Le Bigot, ex-maire communiste de
cette localité, il a repris contact avec ce dernier et, de nouveau a attiré
l’attention par son attitude et son action révolutionnaire, notamment auprès du
personnel de l’asile d’aliénés où il est employé ».
(Le Maitron).
Père de famille de 2 enfants, il a été classé dans la classe de mobilisation « 1916 » en cas de conflit. Il est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale le 20 mars 1940 et affecté au dépôt d’artillerie n° 341. Il est « aux armées » du 16 mai au 25 juin.
Le 14 juin 1940, l’armée
allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population.
La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du
commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur
les Champs-Élysées. Elles occupent toute la banlieue sud les jours
suivants.
René Balayn est démobilisé à Bergerac le 29 juillet 1940. Il est domicilié au moment de l’arrestation de René Balayn dans leur pavillon au 8 rue de Verdun à Villejuif.
Le
15 novembre 1940, le directeur de l’Asile de Villejuif révoque 60 employés en
vertu de la loi du 17 juillet 1940 (« les
magistrats et les fonctionnaires et agents civils et militaires de l'Etat
pourront être relevés de leurs fonctions». En vertu de cette loi, chaque
établissement dresse la liste des agents « dont la manière de servir laisse à désirer ». Parmi eux de
nombreux communistes et syndicalistes, dont René Balayn.
René
Balayn dont le nom figure avec 5 autres employés de l’Asile de Villejuif sur
une liste de « fonctionnaires,
employés des services publics, concédés
et assimilés, internés administrativement le 6 décembre 1940 par application de
la Loi du 3 septembre 1940 », est donc arrêté le 6 décembre 1940, en
même temps que 8 militants communistes de Villejuif, « en vue de leur internement à Aincourt ». Il
s’agit d’employés de l’Asile et d’employés communaux. Ce
sont Henri Bourg, (infirmier à l’Asile, déporté à Dachau en 1944, rescapé),
Raymond Ferrare, (Infirmier à l’Asile, ancien secrétaire du syndicat CGT des
services publics-santé, déporté à Sachsenhausen, rescapé), Roger Gallois
(infirmier à l’Asile, interné à Aincourt), René Herz, (infirmier à l’Asile, interné
à Aincourt, libéré pour maladie. Responsable politique de Vitry et de Villejuif
à l’insurrection). Auguste Lazare, (buandier à l’Asile, déporté et mort
à Auschwitz), Gaston Pelletier, (infirmier, déporté et mort à
Auschwitz), François Turbier, (égoutier, employé municipal, interné à Aincourt,
Voves et Pithiviers). Dominique Ghelfi (employé à Bicêtre, domicilié avant
guerre au 6 rue Guy Moquet à Villejuif, replié à Paris, est également arrêté ce
6 décembre 1940 par un inspecteur du commissariat Maison-Blanche (13ème).
Interné à Aincourt, Rambouillet, Gaillon, Compiègne. Il est déporté le 17
janvier 1944, et reviendra de Buchenwald).
René
Balayn, d’abord conduit comme ses camarades à la caserne des Tourelles, est
interné avec eux le même jour à Aincourt (Lire dans le blog : Le
camp d’Aincourt).
Dans
la « liste des militants communistes
internés administrativement le 6 décembre 1940 » reçue des Renseignements généraux par le
directeur du camp, on peut lire comme exposé des motifs pour René Balayn :
«Employé à l’Asile de Villejuif. Ex Conseiller
municipal communiste. Meneur très actif». Il est répertorié sous le n° de
dossier 137 100.
René
Balayn est transféré au camp allemand de Compiègne (Frontstalag 122) le 11 février
1942, au sein d’un groupe de 21 internés d’Aincourt. On peut-on lire sur le
registre d’Aincourt : «vingt et un
militants communistes internés administrativement à Aincourt (...) ont été extraits
ce matin de ce camp par les autorités allemandes pour des motifs et une
destination qui n’ont pas été indiqués. Le chef de centre a appris que ces
internés auraient été conduits au Stalag 122 à Compiègne ».
René
Balayn est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages composé, pour
l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes
de la CGT) et
d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement
à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à
combattre, en France, les Judéo-bolcheviks
responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti
communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir
d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz
: 6-8 juillet 1942.
Sa
photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des
membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver
de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation
d’Auschwitz.
Après
l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y
sont entassés dans deux pièces).
Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp
principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les
spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et
vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les
autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks).
René Balayn est affecté au block 4 à Auschwitz I.
René Balayn meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après
le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 43) et sur le site du © Mémorial
et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Ce
certificat porte comme cause du décès « Sepsis at Angina » (Sepsis généralisé, symptôme d’angine). L’historienne
polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en
blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués
par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz». Il convient de souligner que cent quarante-huit
«45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18, 19, 20 ou
21 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp ont
été enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont
tous été gazés à la suite d’une vaste sélection
interne des inaptes au travail,
opérée dans les blocks d’infirmerie. Lire dans le blog : Des causes de décès
fictives.
Un
arrêté ministériel du 4 mai 1987 paru au Journal Officiel du 27 juin 1987 porte
apposition de la mention «Mort en
déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de René
Balayn.
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Rue René Balayn |
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Plaque commémorative |
Le nom de René Balayn est honoré sur une plaque à
l’hôpital Paul Guiraud de Villejuif, et son nom a été donné à une rue de la
ville. Son nom est inscrit sur le monument commémoratif de la commune dans le parc Pablo Neruda.
Sources
- Notes
manuscrites de Gilberte Le Bigot, belle-sœur de Georges Le Bigot concernant
chacun des 9 déportés à Auschwitz (1973).
- Témoignage
du fils de René Balayn (1973).
- Liste
des 21 internés d’Aincourt remis à la disposition des autorités d’occupation le
11 février 1942 (Archives de la Police, BA 2374 / C 331 / 7).

- "Villejuif à ses Martyrs de la barbarie
fasciste", brochure éditée par la Vie nouvelle sous l’égide de la
municipalité et de la section communiste de Villejuif (1945-1946). Imp. M.
Boivent. Les documents ont été rassemblés par René Herz, employé à l’Asile,
arrêté le 6 décembre 1940, et interné à Aincourt (collection Pierre Cardon).
- Le Maitron, Dictionnaire
biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir),
éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2012.
- Banque
de donnée informatique du « Livre mémorial » de la FMD pour la
vérification des lieux et dates de déportation des villejuifois cités dans la
brochure de 1945.
- Remerciements
à Mme Nathalie Lheimeur, service des Archives municipales.
- Aincourt. Archives de la police / BA 2374.
- Marcelino
Gaton et Carlos Escoda, Mémoire pour
demain, Graphein, 2000.
- Villejuif
à ses Martyrs de la barbarie fasciste. 50ème anniversaire de la
Résistance (1940/1990).
- Contre
l'oubli, brochure
conçue et réalisée par le service culturel de Villejuif, février 1996.
- Liste
(incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les
historiens du Musée d'Etat d'Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des
victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant
généralement la date de décès au camp.
- Death
Books from Auschwitz (registres des morts d'Auschwitz), Musée d’État
d’Auschwitz-Birkenau,
1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de
décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et
le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau
des la Division des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du
ministère de la Défense). Liste
communiquée par M. Van de Laar, mission
néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des
déclarations de décès du camp d'Auschwitz. Liste Auch 1/7. Liste V :
n°31740, Liste S, n°14
- Photo
aérienne de l’hôpital psychiatrique de Villejuif, © site
Patrimoine de France
- © Site Internet Légifrance.gouv.fr
- © Site
Internet Lesmortsdanslescamps.com
- © Musée d'Auschwitz Birkenau. L'entrée du camp d'Auschwitz 1.
Notice biographique mise à jour en 2019 (installée en mars 2013) par Claudine Cardon-Hamet,
docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions
Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet
1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de
mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de
reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette
biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me
faire un courriel deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
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