
Félix Vinet est né le 9 novembre
1893 au lieu-dit l’Indivisio, à La Ferrière (canton des Essarts, Vendée).
Il
habite au 1 rue de l'Amiral Courbet à Maisons-Alfort (Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Amélie Arcéau, 42 ans, cultivatrice et de François Vinet, 48 ans, cultivateur, son époux.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m
63, a
les cheveux blonds et les yeux marron, le front bombé, le nez busqué et le
visage ovale. Au moment de l’établissement de sa fiche, il est mentionné qu’il
travaille comme boulanger, puis livreur, chauffeur d’auto, chauffeur-livreur.
Il habite au Bourg-sous-la-Roche en Vendée, limitrophe à La Roche-sur-Yon. Ses
parents habitent alors à Charenton au 44 rue de Paris.
Félix Vinet qui est conscrit de la classe 1913, aurait dû être appelé
sous les drapeaux en 1914, comme tous les jeunes hommes de sa classe. Mais il
s’engage volontairement pour cinq ans le 25 novembre 1912 à la Mairie d’Orléans
pour le 24ème Régiment d’infanterie coloniale, stationné à
Perpignan, où il arrive deux jours après.
Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. La
mobilisation générale française a été décrétée le 1er août. Il va être
en campagne contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 20 août 1919.
Le 24ème RIC, composé en majorité d’engagés Français,
quitte Perpignan et est engagé en Belgique, puis dans la première bataille de
la Marne, puis en Champagne. Le 17 mars 1915, Félix Vinet participe à l’assaut
du fortin de la ferme Beauséjour. Il est blessé le 28 février 1915 à la Ferme
Beauséjour (plaie face dorsale main
gauche par éclat d’obus). Une première citation : « Sous l’énergique commandement du Lt/colonel Bonnin
a, après les premiers combats acharnés des 24 au 28 février, et après des
combats acharnés et au prix de sanglants efforts, assuré la prise du fortin au
nord de la ferme Beauséjour ». Le 25 août 1915, il est affecté 9ème
bataillon du 4ème colonial. Puis au 22ème RIC le 26
septembre 1915. Le 13 novembre 1917, il est transféré au 64ème Bataillon
de tirailleurs Sénégalais. Le 20 juin 1918, il est affecté au 42ème Régiment
d’infanterie coloniale. Le 15 août 1918, il est cité à l’ordre du corps d’armée
(O/J n° 64) « Soldat très courageux,
d’un sang-froid remarquable. Sous un bombardement violent et des tirs de mitrailleuses
ennemies, a mis sa pièce en batterie à 200 mètres d’une ligne
de tirailleurs ennemis en leur infligeant de lourdes pertes et en mettant deux
mitrailleuses hors service ».

Il est décoré de la Médaille militaire étoile d’Argent
et nommé caporal le 27 août 1918. Le 25 octobre 1918, il est blessé lors des
combats de Blanzy (plaie fesse gauche par
éclat d’obus). Après l’armistice, il est affecté successivement au 35ème
Bataillon de Sénégalais (le 1er mars), au 16ème Régiment
de Sénégalais (le 1er avril), à la Direction centrale (le 16 mars), au
27ème RIC (le 27 juillet 1919). Il est démobilisé le 20 août 1919.
Il retourne habiter chez ses parents à Charenton-le-Pont.
Le 1er décembre 1919, il est embauché comme employé
permanent (homme d’équipe) à la Compagnie des Chemins de fer PLM. Il y
travaille jusqu‘au 20 octobre 1920 (pendant cette période, l’armée le classe « affecté
spécial », c’est à dire mobilisable sur son poste de travail en cas de
conflit armé).
Il épouse Lucie, Augustine Tannier (1901-1981) le 16 novembre
1920 à Charenton. Le couple a un garçon, Roger, Félix, François qui naît en
1921.
« Militant de la Fédération de la Seine du Parti communiste, Vinet fut élu membre du comité central de l’ARAC à son congrès de Clermont-Ferrand en juillet 1923 » (Le Maitron, notice Marc Lazar).
De 1924 à 1934 la famille vient habiter au 6 rue Ernest Renan à Maisons-Alfort. En 1935, et jusqu'à l'arrestation de Félix Vinet, ils déménagent au 1 rue de l'Amiral Courbet, toujours à Maisons.
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1 rue de l'Amiral Courbet |
Le 14 juin 1940, l’armée
allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population.
La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du
commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur
les Champs-Élysées. Elles occupent toute la banlieue sud les jours
suivants. Face à la politique de Vichy et l'occupation allemande, Félix Vinet a repris une activité clandestine.
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registre du 31 décembre de la BS1 des Renseignements
généraux |
Il distribue des tracts (RG).Des policiers français en liaison
avec la Brigade spéciale des Renseignements généraux (Lire dans le blog La
Brigade Spéciale des Renseignements généraux) l’arrêtent ainsi que 25
autres ancien militants communistes après une série de diffusion de tracts
communistes à Maison-Alfort (sans doute le 28 décembre 1940).
Le registre de la BS1 des
Renseignements généraux du 31 décembre récapitule cette rafle qui a
concerné 26 personnes soupçonnées d’activités communistes clandestines.
Sur les 26 arrêtés, 20 seront inculpés et 15 seront dirigés vers le dépôt de la
Préfecture (5 inculpés sont laissés libres). Parmi les militants envoyés
au Dépôt, René
Caron, André
Lanvert, Lucien
Tourte et Félix Vinet.
Félix Vinet est inculpé d’infraction au décret du 26
septembre 1939 interdisant les organisations communistes. Il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé le 29 décembre 1940 en attente
de son jugement. Le 29 avril 1941 il comparait devant la 12ème chambre du
Tribunal correctionnel de la Seine avec une vingtaine d’autres
militant(e)s, dont trois d’entre eux seront déportés avec lui à Auschwitz (René
Caron, Martial Georget et Lucien Tourte). Son affaire est disjointe de celle de
ses co-inculpés. Il repasse en jugement le 6 mai 1941 devant la même 12ème
chambre. Il est alors condamné à 18 mois d’emprisonnement. Il se pourvoit en
appel.
Le
7 juin 1941, il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes. Son pourvoi au
greffe du tribunal ayant rendu le jugement est suivi d’un arrêt de la cour
d’appel de Paris le 28 juillet, qui entraîne une diminution de sa peine.
A
la date d'expiration normale de sa peine d'emprisonnement, Félix Vinet n’est
pas libéré. Il est renvoyé au Dépôt de la Préfecture le 6 décembre 1941 (le
préfet de police de Paris, François Bart, a en effet ordonné son internement
administratif au CSS de Rouillé en application de la Loi du 3 septembre 1940
(1).
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Avis de transfert pour Rouillé |
Félix
Vinet est détenu au Dépôt jusqu’à son transfert, le 3 janvier 1942. Il fait
partie d’un groupe de 50 internés administratifs (38 internés politiques (RG)
et 12 indésirables (PJ) transférés du dépôt vers le CSS de Rouillé. Un avis du
31 décembre stipule les conditions de ce transfert : Ils seront conduits
en autocars par la rue Sauvage jusqu’à la gare d’Austerlitz, où ils pourront
pénétrer jusqu’à la voie 23 au train de voyageurs n° 3. Le chef du convoi
disposera d’une voiture avec 10 compartiments. Le départ est fixé à 7h 55,
l’arrivée à Rouillé à 18h 51, après un arrêt de 45 minutes à Poitiers.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du
camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp
allemand de Compiègne. Le nom de Félix Vinet (n° 181 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe
de 168 internés (3) qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à
Compiègne (Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La
plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Félix
Vinet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages composé, pour
l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et
syndicalistes de la CGT)
et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur
enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles
allemandes destinées à combattre, en France, les Judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions
armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et
des soldats de la Wehrmacht,
à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du
transport : Compiègne-Auschwitz
: 6-8 juillet 1942.
Son
numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est
inconnu. Lire dans le blog le récit du premier jour à Auschwitz : L'arrivée
au camp principal, 8 juillet 1942. et 8
juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, "visite médicale".
Le numéro "46197 ?"
figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942
correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par
matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr
en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la
persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur
plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
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L'entrée du camp d'Auschwitz |
Félix
Vinet meurt à Auschwitz le 16 septembre 1942 d’après
le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz Tome 3 page 1277 et le
site internet © Mémorial
et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau). La mention marginale
portée sur son acte de naissance indique le 30
novembre 1942. Cette date fictive inscrite sur les registres d’état civil
afin de permettre aux familles de toucher une pension est malheureusement
reprise par un arrêté ministériel du 21 juillet 2001 paru au Journal Officiel
du 1er septembre 2011, qui porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et
jugements déclaratifs de décès de René Faure. Il serait souhaitable que le Ministère
prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de
décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultables sur le
site internet du © Mémorial
et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le blog l’article expliquant les
différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil
français) Les dates de décès
des "45000" à Auschwitz.
Son
nom est inscrit, avec celui des 7 autres maisonnais « 45 000 » morts à
Auschwitz sur le monument en hommage aux déportés de Maisons Alfort.
Il est homologué (GR 16 P 596789) au titre de la Résistance intérieure
française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance dont les
services justifient une pension militaire pour ses
ayants droit.
On lit sur le
bulletin municipal n° 1 de juillet 1946 « Le
Maire André Saulnier et le Conseil, rendent hommage à tous les maisonnais et
maisonnaises qui sont morts pour que la France vive et renaisse. Sont associés
dans cette pensée, les camarades élus en 1935, morts dans les bagnes hitlériens victimes de la barbarie fasciste ». Suit une liste de 12 noms, dont celui de Félix Vinet.
- Note 1 : L’internement
administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939,
qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de
nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé,
« des individus dangereux pour la
défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le
gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le
décret du 18 novembre 1939 et prévoit l'internement administratif de
"tous individus dangereux pour la
défense nationale ou la sécurité publique". Les premiers visés sont
les communistes.
- Note 2 : Le
camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941,
sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques
venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste
dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres
venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site
de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le
22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François,
Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés
(Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit
libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
Sources
- Mairie
de La Ferrière 27 juin 1989, extrait de naissance du 26 avril 1946.
- Fichier
national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains
(BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre
1993.
- Marc
Lazar : « 1917-1923, origines
et débuts d'une organisation du mouvement ouvrier : l'ARAC
(Association républicaine des anciens combattants). Mémoire de Maitrise
1975. Dir. J. Droz.
- Le Maitron, Dictionnaire
biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir),
éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2012.
- Rouillé,
liste des transferts du 10 novembre 1941.
- Archives de la police / BA 2374
- Archives de la Préfecture de police,
Cartons occupation allemande, BA 2374.
- liste
de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne le 22 mai
1942, n° 181, (XLI-42, Centre de Documentation Juive Contemporaine, Mémorial de
la Shoah, Paris IVème).
- Death
Books from Auschwitz (registres des morts d'Auschwitz), Musée d’État
d’Auschwitz-Birkenau,
1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de
décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et
le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Légifrance.gouv.fr
- © Site
Internet Lesmortsdanslescamps.com
- © Archives en ligne du Val de Marne
- © Musée d'Auschwitz Birkenau. L'entrée du camp d'Auschwitz 1.
- © Maisons-Alfort,
Google Maps.
Archives de la Préfectures de
police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux,
registres journaliers.
- Registres matricules militaires.
Notice biographique installée en mars 2013 (modifiée en 2017 et 2019) par Claudine Cardon-Hamet,
docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions
Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet
1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de
mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de
reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette
biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me
faire un courriel deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
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